HR 6958 - Flynn Colony / 14 septembre 3303
24 Oct 2017Snarkk
Les images tournent en boucle sur les écrans de la cantina. Des rangées de chasseurs lourdement armés sont descendus un par un par les forces de sécurité du LOSP, menées par un de leurs escadrons d'élite. Une bataille âpre tout de même : la destruction d'une corvette flambant neuve, évènement marquant du début des hostilités. Un des fleurons des forces de défense du système, explose sous les tirs ennemis. Le pilote rescapé a déclaré aux journalistes, après un check-up de routine : “c'est mon foutu PC qui a freezé”.Je regarde ça avec un mélange de fierté. Je fais partie des couillons qui ont remporté la mise, et haut la main. Ce fut un massacre dans les rangs du gang, mais également dans leurs lignes de comptes. Je regardais alternativement le chiffre sur mon compte en banque sur mon ordinateur de poignet, et mon Dolphin flambant neuf par la vitre de la cantina. 8 millions de crédit en quelques heures. La guerre, mes amis, est une chose fantastique lorsque l'on sait nager à travers ses remous. Hier encore, la responsible locale du LOSP haussait les sourcils en me voyant arriver. Vingt pour cent de commission plus tard, la voilà qui me fait la bise et me donne du “cher ami”. Les choses sont simples ici : si tu fais du pognon et que ça profite au LOSP, alors bienvenue.Un type se dirige vers moi, l'air nerveux. Je flaire le desespéré et – par extension – les crédits faciles. D'un mouvement de visage, je lui indique la chaise en face de moi. Le zig n'y va pas par quatre chemins :
“Je dois fuir. Maintenant. Je ne connais pas encore la direction, mais si vous m'emmenez à plus de cent années lumière d'ici, je vous fournirai de quoi prendre votre retraite.
“Et pourtant l'ami, c'est toi qui fait retraite... tu fais partie de ces mafieux qui se font descendre à la téloche ? Tu dois filer parce que ça sent mauvais pour toi ? Te bile pas. Je comprends et je compatis, mais ça te coûtera 4 millions de crédits.
“En temps normal je t'aurai descendu pour ça, mais je n'ai pas le choix. Je dois partir et transmettre ces données au plus vite aux pilotes éparpillés en dehors du système.”
“Cinq millions. Départ garanti dans cinq minutes.”
“Enfoiré... je vous suis”.
Suite à cette courte conversation, j'ai pris la décision de décoller avec un ennemi du LOSP à mon bord. Il était temps pour moi de faire un choix. J'ai toujours été un enfoiré vous savez. Relativement honnête d'accord, mais ça n'empêche pas d'être un salaud. On peut par exemple arriver dans les six heures d'un voyageur et lui dire “je vais te buter, raclure !”. C'est salaud. Mais honnête. Enfin je m'égare... je suis donc en face d'un choix cornélien... Je rumine quelques minutes, le temps pour nous de décoller de la station et de parcourir quelques milliers de kilomètres. Puis je me décide.Je ne serai plus un salopard. A partir de maintenant, je resterai un gars honnête, qui fait corps (mais pas trop proche hein) avec sa troupe. Je suis un LOSP bordel. Je suis un LOSP et pas la petite enflure que j'étais. Je ne vous trahirai pas, j'agirai avec discernement et humanité.
Je prends la radio :
“Hé l'ami ! Tu me reçois ?”
“Cinq sur cinq.”
“Tu peux vérifier sous ta banquette en cuir s'il reste bien un masque à oxygène ?”
J'entends de la friture pendant quelques secondes.
“Négatif, vous auriez pu y penser.”
“Je suis en tête-en-l'air, c'est comme ça. Nous allons subir une petite dépressurisation, l'ami, comptez dix minutes sans oxygène.”
“Quoi ?! Que dites-vous ?!”
“Tu m'as compris l'ami. T'en fais pas va, tu vas être complètement perché avant de passer l'arme à gauche, on a connu plus sale comme mort.”
“Espèce de...”
Et je coupe la radio, parce qu'après c'est toujours les même blablabla... ça peut même devenir desagréable, si l'autre se met à pleurer. Quoiqu'il en soit, je suis soulagé.
Aujourd'hui, je sais que je suis quelqu'un de bien.1